Interview : Drew Davies - "Achetez de la musique ou sinon regardez tout disparaître."
Après l'EP "We Need To Talk" Drew Davies sort ce mois-ci son premier album éponyme et très attendu. À cette occasion, on est parti à la rencontre du songwriter britannique.
Autant vous le dire direct. Cet album signé Drew Davies, eh bien on
l'attendait avec impatience, tant
son premier EP nous avait séduit. Ce doit être par le style, les sonorités eighties et ces petites touches
entre la voix du chanteur et les choeurs, des détails infimes, surfant entre
Springsteen, Peter Gabriel et Bowie.
Eh oui, carrément. Des grands noms.
Drew Davies nous avait vraiment enchanté. Aussi, lorsque l'annonce
de la sortie de son premier album nous est arrivée, on a décidé d'aller plus
loin qu'un simple article, parce qu'on trouve qu'il en vaut la peine.
Bonjour Drew. Alors, pour la petite histoire, on t'a découvert avec la sortie du single "Mrs Taylor", c'était l'an dernier et on a adoré. Ce mois-ci sort donc ton premier album. Est-ce que tu peux te présenter, nous parler de toi et de ton parcours pour les fans français qui ne te connaitraient pas encore ?
Salut. Je suis un musicien du nord de l’Angleterre qui vit et se produit dans le sud de l’Angleterre ! J'ai joué dans des groupes et tourné partout au Royaume-Uni et en Europe, enregistré dans des studios de classe mondiale et joué dans des salles aux toilettes tristement célèbres ! Maintenant je me concentre principalement sur la sortie de ma propre musique solo.
Il me semble que tes racines musicales sont d'abord familiales ? Mais quel a été le déclic, ce qui t’a amené à te lancer véritablement dans la musique, à te dire « c’est ça que je veux faire ».
Je me souviens d'avoir fait un concert pendant que j'étais de retour à l'université. Nous jouions du rock'n roll et la foule s'y mettait vraiment, je me souviens m'être assis dehors après et avoir réalisé que c'était ce que je voulais faire de ma vie.
Et puis le standard 9h-17h ne m'a jamais plu, je voulais être un pirate et partir à l'aventure, donc la vie d'un musicien telle que je l'ai imaginée me séduisait. Je ne savais pas grand chose !
Y’a-t-il eu une rencontre déterminante dans ton parcours ?
À un moment donné, j'étais très malade et je ne savais pas si je pourrais récupérer. À cette époque, j'ai eu une rencontre fortuite avec Gregg Allman. J'ai passé quelques jours avec lui dans sa résidence de Barbican. C'était rafraîchissant d'entendre ses histoires et comment il avait lutté contre l'adversité. Alors que ce n'était que pour quelques jours, j'ai ressenti une bonne énergie de sa part et il m'a encouragé à persister, c'est ce que j'ai fait alors…
Dans tes chansons, on ressent comme une touche un peu old school, des années 80, comme si cela t'avait influencé dans l'écriture. Est-ce que je me trompe ou cela fait partie de tes influences dans le monde de la musique ? Je pense notamment à Bowie.
J'adore les années 80, depuis toujours. Particulièrement le pop rock et le rock de papa à l'époque. Je me souviens que ça passait dans la voiture de mon père et la chaleur que j'ai ressentie s'est accrue en écoutant des groupes comme Eurythmics, Queen, Genesis, etc.
J'étais très attaché à Scott Walker quand j'ai écrit et enregistré beaucoup de mon album, lui qui a également fortement influencé Bowie. Bien sûr, j'aime aussi David Bowie et étant donné que j'ai aussi une voix de baryton, je pense que les gens trouvent des similitudes.
Il y a aussi quelques cadences andalouses dans ma musique et je pense que cela peut parfois présenter une référence à son travail ultérieur. Mais j'ai beaucoup d'influences et je pressens que mon deuxième album sera loin de ce premier.
As-tu d'autres influences par ailleurs, des artistes avec lesquels tu as une proximité artistique ?
Je suis très friand de quelques artistes «plus récents», Alex Cameron, One True Pairing et Sharon Van Etten. Enfant, j'adorais Queen et Van Halen et je pense que la sensibilité Hard Pop / Rock sortira à mesure que je sortirai d'autres albums. J'aime aussi la musique d'ambiance comme Brian Eno, Vangelis. Honnêtement ça fait trop d'influences à énumérer !
Tu peux nous parler de ton process d’écriture, comment se passe la conception d’un single, d’où te viennent tes idées. J'ai l'impression qu'il y a des chansons très personnelles, comme si tu livrais tes états d'âmes, je pense entre autre à "Mrs Taylor", "Who We Are" ou "X and Y". Est-ce le cas et peux tu nous en parler ?
Oui, un certain nombre de ces chansons sont extrêmement personnelles, en particulier "Mrs Taylor" et "Who We Are", "Come on Within" aussi en fait...
Le processus consiste à écrire la chanson à la maison, puis une fois qu'elle est développée, aller en studio et travailler avec une équipe pour obtenir le meilleur arrangement ensemble pour la pièce. Mark Anderson était essentiel à cet égard pour cet album car il a rempli tous les blancs que j'avais laissés dans mes idées d'accords, rudimentaires j'avoue, de guitare. La plupart des bonnes chansons viennent des accords car cela donne souvent le ton, à partir de là les mots et la mélodie ont tendance à sortir très rapidement de moi.
As-tu des thématiques particulières qui te touchent et que tu souhaites aborder dans tes morceaux ? Ou c'est plus une approche de conception qui est liée à ce qui t'arrives dans la vie ?
En effet, j'ai remarqué que les peines de coeur et d'amour tenaient un grand rôle dans les chansons que j'écris en ce moment. J'ai vécu quelques changements il y a un an et cela s'est retrouvé dans un matériau plus sombre et plus lourd.
Pour ce premier album, tu as réuni une équipe autour de toi, je pense au mixage par Steve Honest (Oasis, Eurythmics) et au mastering par John Webber (David Bowie, Super Furry Animals), même Alicia Light qui intervient à la basse. Comment s'est passé l'enregistrement, la conception ?
J'ai fait ce disque de cette façon grâce à un réseau d'amis, Alicia et moi jouions ensemble dans un autre projet et je lui ai joué certaines de mes chansons. Elle m'a suggéré de contacter Mark Anderson pour venir nous aider à enregistrer les guitares et nous avons passé quelques jours ensemble. Il en est sorti la moitié de l'album sous forme de démo, ces démos qui sont en fait devenues l'album. Luka était dans un autre projet et est venu très gentiment poser les percussions. J'avais écrit les clés, les arrangements et la chanson chez moi à la maison, alors j'ai tout apporté en studio pour que les gars puissent travailler.
Le son un peu vintage qui caractérise la plupart de tes titres, tu le puises aussi dans ton matériel, as tu des instruments old school ?
Ce disque a été fait de façon très old school, toutes les guitares, amplis et batteries sont vintage. Nous en avons enregistré la plupart en prises entières, en travaillant simplement les morceaux jusqu'au bout. Il a également été mixé très rapidement, chaque morceau mixé en seulement 4 heures avec Steve, qui est super rapide. Donc, il n'y avait pas trop de contingence, je voulais que les chansons et que le travail soit fait pour juste enregistrer le disque et pouvoir sortir ce travail solo.
Si on te proposait de collaborer avec un artiste sur un projet, ce serait lequel et pourquoi ?
J'adore le lyrisme d'Alex Cameron et le respect d'Alex Turner, l'un ou l'autre serait un rêve, en particulier Turner. Du point de vue des légendes, la liste est trop longue, j'adorerais voir Mark Lanegan ou Iggy Pop travailler.
Quels sont les retours que tu as des fans par rapport à ta musique ?
J'ai beaucoup aimé quand les gens se connectaient autour des significations de l'album. C'est un disque très chaleureux avec un grand cœur, donc j'aime quand les gens se rassemblent avec ça. C’est aussi très satisfaisant quand les gens aiment le chant plus crooning, pour moi qui viens d’un background plus extrème.
Comment vois-tu l’avenir suite au covid-19, maintenant que l’on sort du confinement ? Est-ce que cela influe sur ton écriture, Penses tu que cela va changer à long terme l'industrie musicale, je pense au live, ? Est-ce que cela a aussi changé a ton avis les relations avec le public ?
Je n'en ai pas la moindre idée ! Je pense que nous avons vu d'énormes changements et je suis sûr que cela va avoir des effets pendant des années. Cela me manque évidemment de ne pas jouer en live mais je ferai un concert de lancement de l'album dès qu'on sera en sécurité. Je pense que les artistes et le public réfléchiront à deux fois par rapport aux phénomènes de foule et garderont leurs distances pendant un certain temps.
Comment as-tu vécu cette période presque antisociale ? Beaucoup l'on mal vécu, dans la solitude, sans lien social. Est-ce que cela t'a donné des idées musicales, des nouvelles thématiques d’écriture ? Ou apporté un regard différent sur le monde ?
Honnêtement, j'ai été enfermé dans mon appartement, heureusement, j'ai eu de la compagnie, mais vous pouvez vraiment vous retrouver à vous taper la tête contre les murs. J'ai eu des jours où je voyais qu'il était 16 heures et que j'avais perdu la moitié de ma journée. Et ça me semblait surréaliste de simplement marcher dehors ! J'ai deux, trois chansons qui m'ont travaillé pendant cette période de confinement, mais les thèmes se sont concentrés principalement sur la frustration qui, je pense, découle du lockdown... je me trouve assez philosophe si je suis honnête !
On a traditionnellement une série de question "profilage". Un film ou une série culte pour toi ?
J'adore Kill Bill et son statut culte. Mentions honorables à The Network et The Outlaw Josey Wales.
Une BO de film culte selon toi ?
Blade Runner - Vangelis
Un album culte pour toi ?
Physical Graffiti – Led Zep
Un livre de chevet en ce moment ou que tu nous conseilles ?
À l'heure actuelle, "American Gods" (Neil Gaiman) et je recommande "Consider Phlebas" par Iain M Banks ("Une forme de guerre" en VF, ndlr).
Une peinture, oeuvre d’art, photographie, architecture qui t'a marqué ?
Still Life, Fast Moving - Dali
Une nouveauté que tu viens d’écouter et que tu nous conseilles ?
Je suis entré massivement dans les Cocteau Twins récemment, Heaven ou Las Vegas
Une personnalité du passé ou du présent que tu rêves de rencontrer ?
Gengis Khan?! Ha, je ne suis pas sûr...
Ça peut être intéressant... Et si t’avais une machine à voyager dans le temps, t’irais jeter un oeil où ça ?
Je pense que l'Amérique des années 1950 m'a toujours fasciné, une conséquence du fait d'avoir grandi à l'époque de Retour vers le futur…
La question carte blanche maintenant : Y’a-t-il un projet ou truc dont on n’aurait pas parlé, allez, t’as carte blanche.
J'ai des choses excitantes en préparation pour 2021, mais voyons ce qui se passe… Mon vinyle aussi, ACHETEZ MON ALBUM VINYLE (s'il vous plaît) et soutenez la nouvelle musique !
Allez, on termine par la question "The End". Un conseil pour les nouvelles générations, histoire de changer la société ?
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Un message pour tes fans français ?
À tout le mondeÀ tous mes amisJe vous aimeJe dois partir
Désolé de citer Megadeth ! restez en sécurité et aimez-vous tous !
Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ? Un nouvel album ? De nouvelles collaborations ?
Nouvel album et nouvelles collaborations, je travaille sur tout ça. Merci pour le temps de discuter ☺
Merci pour tes réponses !
Et en attendant le prochain album, on retrouve le premier opus de Drew Davies.
Drew Davies
Premier album éponyme
Sortie depuis le 15 mai et le 22 mai en vinyle
Label : AD1
Enregistré au Tileyard Studios, conçu par Alicia Light
Mixé au Hackney Road Studios par Steve Honest
Mastering aux AIR Studios par John Webber
Toutes les chansons sont écrites par Drew Davies
Produit par Drew Davies et Mark Anderson
Drew Davies - Chant, Clavier and Synthétiseurs
Alicia Light - Basse
Mark Anderson - Guitares
Luca Volpi - Batterie
Yam Artzy - Percussions
Ian Killoran - Saxophone
Pour en savoir plus :
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