Besson dans le ventre mou du box office ?
Ce n'est pas faute d'essayer, mais le succès n'est plus au rendez-vous pour Luc Besson. Anna, son dernier long n'a pas fonctionné aux States et peine à se placer au box office français.
Les médias crient au bide pour Anna
Etat des lieux. "Anna", le dernier film de Luc Besson est sorti aux USA le 21 juin 2019 et en France est à l'affiche depuis le 10 juillet 2019.
Le score outre atlantique est assez faible : 7.710.340$ au 01/08/2019 pour un total de 2114 salles de cinéma au plus fort de son exploitation. Un chiffre à comparer avec "Lucy" et ses 126.663.600$ de recettes aux USA.
En France, il accumule 569 282 entrées en 3 semaines d'exploitation. Loin de "Lucy" (5 191 692 entrées France).
Fort de cet état des lieux, les critiques pleuvent sur Luc Besson, comme s'il nous devait quelque chose ou si le succès devait rester continuel. De grosses attentes en définitive.
Alors, en cas d'échec, on cherche des explications, et il est facile de tomber dans le dénigrement.
"Il fait toujours la même chose".
"il se fiche des attentes de son public".
"Il est resté dans les années 90".
Le chat noir du box office ?
Il y a forcément du pour et du contre, mais une question se pose. À trop vouloir rester dans sa zone de confort, Luc Besson serait-il enfermé dans une bulle de non créativité et d'échec commercial ?
Oui et non à la fois. Le problème est plus compliqué.
Il a beau chercher à s'améliorer et à se renouveler, Besson semble rester toujours sur les mêmes ficelles.
Celles qui ont fait de lui une cash machine à succès, sur les thématiques SF, action, espionnage et thriller qui plaisent au grand public.
Celles qui ont fait de lui une cash machine à succès, sur les thématiques SF, action, espionnage et thriller qui plaisent au grand public.
Celles aussi de personnages ordinaires, souvent féminins, qui découvrent leurs pouvoir ou leur potentiel. Qui se rebellent. Celles d'héroïnes mystérieuses confrontées à l'intolérable qui deviennent des armes redoutables.
Des ficelles très hollywoodiennes.
Les ficelles classiques de la dramaturgie.
Mais là où il sortait des histoires intéressantes ("Le Grand Bleu", "Subway", "Jeanne d'Arc"), voire novatrices pour leur époque, et qui avaient performé parce qu'elles avaient su toucher à l'humain au bon endroit et au bon moment, il s'est ensuite comme installé dans une tentative de séduction du box office à tout crin.
Légitime certes, lorsque l'on doit faire tourner une boite comme Europa Corp.
Mais l'essentiel, c'est d'abord un bonne histoire, un bon scénario et une bonne réalisation. Avec des talents de calibre. Il a pourtant tout de cela, non ?
Reste donc à savoir le vendre.
Reste donc à savoir le vendre.
Le poids d'Europa Corp.
Besson court plusieurs lièvres à la fois, entre industrie et création.
Autant Europa Corp. cartonne sur des valeurs sûres en distribution et production, autant sur ce qui concerne les projets plus spécifiques signés Besson, cela marche moins bien.
Tout est relatif cependant.
Si Besson reste sur le syndrome créatif d'"Anna", c'est d'abord à cause du poids d'Europa Corp., de l'obligation de cartonner au box office pour faire tourner la machine.
Et c'est aussi en partant du principe qu'il peut faire mieux que "Léon", "Nikita", "Lucy", "Valérian" ou "Le cinquième élément".
C'est un pari risqué car sur ce créneau, les ingrédients que Besson injecte dans ses films sont dans bien des cas déjà vus et revus. Mais c'est le cas aussi d'autres réalisateurs qui font de l'action ou de la SF. On voit toujours plus ou moins les mêmes ficelles.
Ces ingrédients sont aussi ultra concurrencés par des machines encore plus efficaces en terme de distribution, de budget et de "propagande" médiatique.
Alors il marche sur des oeufs, sans avancer efficacement.
Et au box office, il reste irrémédiablement cantonné derrière des films pas forcément plus novateurs, pas forcément mieux filmés ni mieux écrits. Mais qui cartonnent.
Or ce sont simplement des productions qui ont les reins plus solides. Et qui arrivent avec leurs gros sabots en forme de blitzkrieg.
Du coup, comme si elle arrivait après la bataille, "Anna" se frotte scénaristiquement à du lourd comme "Red Sparrow" ou "Atomic Blond"... Qui n'ont pourtant pas cartonné au box office.
Et apparaît aux yeux du public comme une de leurs réadaptations.
Et apparaît aux yeux du public comme une de leurs réadaptations.
Alors Europa Corp. a beau s'appuyer sur des partenariats, sur des réseaux (Pathé) qui peuvent propulser "Anna" sur des trends élevés en termes de copies (657 salles au démarrage), cela ne suffit pas.
Peut-être parce que Besson n'est pas suivi par les aficionados, ni par les critiques médias, ni par l'aura naturelle que d'autres réalisateurs embarquent systématiquement avec eux. Ce qui est le cas par exemple d'un Tarantino.
Les aficionados, justement, ce sont les fidèles de fidèles, des générations de spectateurs qui suivent un réalisateur à chaque film parce que, justement, il a su se créer une image, une franchise personnelle ambitieuse qu'il se cultive et magnifie à chaque nouveau long métrage.
Tarantino est de ceux-là. A-t-il à souffrir d'un bashing à chaque sortie de film ? Apparemment non.
Tarantino est de ceux-là. A-t-il à souffrir d'un bashing à chaque sortie de film ? Apparemment non.
Le talent de Besson n'est pas en cause
Aujourd'hui Luc Besson est davantage chef d'entreprise, producteur, distributeur avec Europa Corp. et la cité du cinéma. Objectif, rivaliser avec les grosses pointures outre-Atlantique.
En tant que producteur, il propose un cinéma qui ne s'embarrasse pas de fioritures, et met en avant d'abord des vedettes avec de la baston.
Pas simple, mais cela fonctionne relativement bien avec des franchises comme "Taken" ou "Le transporteur" par exemple.
Rien à redire donc sur la production ou la distribution, le talent est là et le job est fait. C'est ce qu'on demande.
Sauf que cela patine depuis quelques années.
Sauf que cela patine depuis quelques années.
En tant que réalisateur, il semble comme rester dans une zone de confort qui s'appuie sur un socle de fidèles de la première heure, mais ce socle fait partout un nombre limité d'entrées.
Un socle aussi limité que cela ? Nous verrons plus loin les chiffres.
Un socle aussi limité que cela ? Nous verrons plus loin les chiffres.
Besson et les autres
Prenons le choix maintenant de comparer. Quel est le potentiel d'entrées d'un Besson versus un autre réalisateur de classe mondiale ?Comparons avec Quentin Tarantino par exemple, que nous citions plus haut.
Les deux, nous l'avons déjà dit, oeuvrent plutôt sur des registres similaires, de thriller, d'action et de film à suspense grand public.
Besson aurait-il un socle d'entrées plus restreint qu'un Tarantino par exemple ?
Eh bien non, pas plus restreint pourtant, lorsque l'on compare les entrées France de nos deux réalisateurs.
On le voit nettement, l'avantage sur le registre des entrées France est à Luc Besson même si Tarantino est sur une tendance à la hausse.
La différence tiendra à l'international, si elle doit se faire sur ce comparatif d'entrées et de cash.
Grâce aussi au bouche à oreille favorable des médias, un Tarantino ira certainement au-delà de son socle d'entrées naturelles.
Il ratissera donc plus large quand Besson restera à la marge en dehors de France.
Grâce aussi au bouche à oreille favorable des médias, un Tarantino ira certainement au-delà de son socle d'entrées naturelles.
Il ratissera donc plus large quand Besson restera à la marge en dehors de France.
Le rêve américain de Besson
Besson a comme un talon d'Achille. Il rêve trop d'Amérique. Il a de l'ambition et cherche à s'attaquer à un monument.
Prenons le cas d'"Anna".
Le film sort d'abord aux USA, là où l'on sait pourtant que le socle d'aficionados de Luc Besson n'y est pas. Le film peine à s'imposer sur place, les médias s'en emparent, le public ne vient pas, et Luc Besson se fait descendre par les critiques.
Le film sort d'abord aux USA, là où l'on sait pourtant que le socle d'aficionados de Luc Besson n'y est pas. Le film peine à s'imposer sur place, les médias s'en emparent, le public ne vient pas, et Luc Besson se fait descendre par les critiques.
Lorsqu'il sort en France, quelques semaines plus tard, il arrive avec l'image du film looser qui n'a pas marché car il n'a pas séduit le marché américain. Et bam, les critiques français attendent Besson au tournant. Commence alors le Besson bashing.
Le public est influencé, qu'on le veuille ou non, et se dit qu'on lui donne une resucée de films déjà vus, qui collent à la peau de Besson. Et qui n'ont pas marché outre Atlantique.
Alors il préfère rester à la maison sur Netflix ou se déplacer pour voir un Marvel ou un Disney, un Tarantino innovant et déjanté, et pas un Besson.
Besson le discret
La question que l'on peut se poser est donc la suivante : Luc Besson se vend-il bien ?
Si Besson se fait discret dans les médias, est-ce peut-être à cause de cet inéluctable Besson bashing ?
Si Besson se fait discret dans les médias, est-ce peut-être à cause de cet inéluctable Besson bashing ?
Difficile de promouvoir, d'expliquer, de justifier, de donner sa vision d'artiste lorsque l'on sait qu'on est attendu au tournant par des médias par forcément très compréhensifs.
Alors c'est dommage, on va encore critiquer son score faible au box office, on va appuyer dessus encore et encore pour faire mal, parce que l'attente est trop forte, surtout côté critiques qui vont pour la plupart s'empresser de torpiller Besson à la première occasion.
L'époque du Grand bleu et de ses millions d'entrées est révolue, mais était-ce un accident ?
Non quand on regarde ses scores au box office depuis 30 ans.
Alors, plutôt que de tirer sur Besson, pourquoi ne pas l'encourager plutôt à revenir aux sources de son cinéma.
Comme au temps du "Dernier Combat" par exemple. Et de séduire à nouveau les français.
Comme au temps du "Dernier Combat" par exemple. Et de séduire à nouveau les français.
Post a Comment