13 reasons Why met Netflix sous pression
En attendant la sortie de la saison 3 de 13 Reasons Why, Netflix fait du ménage et se permet de modifier la scène du suicide de la saison 1. En pliant sous la pression, Netflix sert-elle la cause qu'elle est sensée défendre ?
L'objectif de 13 Reasons Why
Alors que les informations sur la saison 3 tombent au compte goutte, la question se pose de savoir si celle-ci sera édulcorée sous la pression de la bien-pensance, oups, désolé, disons sous la pression des associations de protection et des spécialistes professionnels de la profession du suicide et du viol (lire des psychiatres et des médecins).
Depuis le début, la série Netflix "13 Reasons Why" dérange.
La pression sociale est en effet forte autour d'elle.
Elle avait bien su s'en accommoder au démarrage, en allant jusqu'au bout de ses principes, certes dérangeant, choquant même.
Ces principes remplissaient les conditions de la narration et le cahier des charges de la série. Elle avait l'avantage de n'être pas là pour plaire à tous, mais pour mettre en lumière un constat dramatique.
De ce fait, dès le début, les cartes avaient été posées sur table.
S'inspirant du roman "Thirteen Reasons Why" de Jay Asher, sorti en 2007, on avait droit à des scènes particulièrement violentes : viol, suicide, harcèlement.
Elle mettaient mal à l'aise, si mal que l'on ne pouvait que les rejeter en les voyant. Et cela avait logiquement, chez toute personne normalement constituée, pour effet d'ôter l'envie de violer quelqu'un ou de se suicider.
À travers ces moments tragiques, "13 Reasons why" mettait surtout en lumière des sujets trop peu abordés car tabou, spécialement dans le monde éducatif.
Le harcèlement, le sexisme, le voyeurisme, l'égalité femme-homme, autant d'ingrédients qui s'ajoutant les uns aux autres, pouvaient conduire des adolescents fragiles au viol et/ou au suicide.
Elles mettaient aussi en lumière l'incompréhension de la société entière et surtout son incapacité éducative à y remédier.
Netflix sous la pression
Mais apparemment, certains ne le voyaient pas de cet oeil.
Côté spécialistes professionnels de la profession du viol et du suicide, ces scènes tragiques semblaient, au contraire, faire plutôt l'apologie du viol et du suicide. Comme un appel à dire "Open bar sur le viol, les enfants !", "si tu vois ces images horribles, tu vas forcément vouloir les répéter" car tu es faible d'esprit.
La réponse, dans beaucoup de cas, a été :
- de restreindre la diffusion (interdite au moins de 18 ans en Nouvelle Zélande),
- d'harceler Netflix et d'accuser anonymement Jay Asher, le créateur de la série, de harcèlement (#meToo),
- d'empêcher sa diffusion éducative dans les écoles (comme au Canada, à cause de son contenu mature et violent).
Il faut bien évidemment protéger les enfants, mais les ados ne sont-ils pas matures par rapport à ces sujets ? Bien souvent plus mâtures que les générations précédentes d'adolescents ?
Ce faisant, ne risque-t'on pas d'éluder toutes les discussions et débats afférents à ces problèmes, là où pourtant l'enjeu est crucial, ce qui pourrait taire l'effet escompté par la série ?
Netflix a donc subit un lot de critique de toute part et peu à peu, a dû se plier face aux pressions sociales.
- Insertion de messages de prévention,
- insertion d'appels des comédiens histoire de dire "attention, vous êtes en train de regarder une série et donc c'est une fiction, et donc n'essayez pas de faire ça à la maison",
- création d'un site Internet spécialement dédié à ces sujets, ce qui, là, était très judicieux, pour justement élever le débat.
Débat que l'on empêchait du fait des restrictions abordées plus haut.
Le tabou du suicide
Le suicide est un tabou dans notre société. Pourtant qui n'a pas connu une Hannah Baker quelque part dans son entourage ? Qui n'a pas déjà été confronté aux sombres pensées, au tournent du "si j'avais..., alors j'aurais..." que le vide de cet acte engendre chez ceux qui restent et qui tentent de comprendre.
En supprimant la scène de suicide d'Hannah, deux ans après sa mise en ligne, Netflix cède donc à cette pression sociale exercée sur la série.
Et lance presque comme un message :
N'en parlons pas, ou alors à minima.
Si l'on poursuit le raisonnement, est-ce que cette décision va faire jurisprudence chez les créateurs ? Va-t-elle être une victoire de la bien pensance pour protéger la jeunesse ?
Nous pouvons imaginer ce qu'elle peut impliquer.
Comme par exemple, de revenir sur toutes les autres scènes de suicide diffusées à l'écran ?
Prenons "Les lois de l’attraction" où la tension dramatique de la scène du suicide de la baignoire fait directement écho à celle d'Hannah, prenons "2h37" ou "The Virgin Suicides " dans lesquels le suicide est clairement abordé.
Le problème de la censure est la transgression
Et si l'on pousse le raisonnement plus loin, va-t-on, comme pour "E.T." supprimer les armes à feu ("parce que des enfants regardent").
Les spécialistes répondent :
Les spécialistes de la prévention du suicide recommandent de ne pas montrer à l’écran des scènes détaillées de suicide, ou détaillant ses modalités exactes ; et certaines recherches montrent que ce type de séquences peuvent avoir un effet d’entraînement auprès de personnes fragilisées, qu’il s’agisse de personnages de fiction ou d’images d’actualité.
Donc, pour protéger les jeunes, les adultes se disent qu'il est plus simple d'interdire des images de suicide ou de viol, ou de violence, plutôt que d'affronter la réalité et de s'attaquer aux racines sociétales du problème.
Il n'en reste pas moins que l'adolescence est justement une phase transgressive.
Et si les ados veulent voir des scènes de viol ou de suicide, ils s'éloignent pour les voir sur Internet.
Alors peut-être serait-il temps d'arrêter de se voiler la face et de commencer à éduquer pour prévenir ?
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