Pourquoi la saison 3 de Stranger Things laisse sur sa faim
La saison 3 de Stranger Things est sans doute la plus intéressante, car celle où tout se confirme. Mais elle est celle qui s'effondre devant l'attente du public.
Des personnages plus profonds
À la fin de la saison 2 on les avait laissés à leurs préoccupations d'ados et ont les retrouve quelques mois après, face à toujours plus d'incertitudes adolescentes et existentielles.
Les personnages sont toujours là , et c'est la joie de les retrouver. C'est que l'on s'attache finalement. D'autant plus qu'ils ont des caractérisations bien plus fortes et des personnalités biens plus fouillées qu'auparavant. Enfin, pourrait-on dire, il était temps qu'ils murissent un peu.
Alors bien sûr, on aurait pu les quitter comme ça en saison 2, et cela aurait pu être suffisant. Le portail était fermé. Tranquille.
D'ailleurs, c'était une fin sympa. On se quittait sur un slow de The Police, "Every Breath You Take", comment ne pas se remémorer les Boums des années 80, les fameux quart d'heure américains où l'on attend assis patiemment que rien ne se passe. De quoi introduire quelques grammes de crise d'adolescence. Et de références 80's.
Si les personnages sont plus fouillés cette saison 3, c'est aussi parce qu'ils forment désormais un véritable gang.
Et c'est aussi parce que l'on a distillé de nouvelles informations à leur sujet. Une copine par ci, un souvenir par là , un non-dit, un aveu, des états d'âmes comme avec l'accrochage entre Will et Mike qui, hélas, reste secondaire.
C’est aussi un peu le cas avec des révélations comme celle de Steve (Joe Keery) devant Robin, ce qui donne un moment très sympa et touchant avec elle, loin des traditionnels poncifs gnagnan sur l'acceptation de soi. On découvre alors un personnage nettement plus intéressant, torturé, loin du beau gosse du lycée.
Pour ma part, ce sont eux (avec Billy), les véritables révélations de la saison. Si on enlève Steve et Robin, tout s'écroule en effet.
Enfin de nouveaux venus
Robin, vous ne la connaissez pas, mais comment pourrait-on maintenant s'en passer ?
Campée par l'excellente Maya Thurman Hawke (on reconnaît la fille de sa mère, et accessoirement de son père), elle fait partie de ces petits nouveaux de la série, ceux qui viennent de nulle part et prennent une plus grande importance au fil des épisodes. Jusqu'à faire croire qu'ils sont là depuis toujours.
C'est le cas d'Erica aussi (Priah Ferguson), la soeur de Lucas. La petite soeur exaspérante que l'on pressentait déjà dans les deux premiers opus, prend désormais une place incontournable dans la troupe.
Sans changer de caractère, au contraire, elle ne cesse de s'affirmer, bien mieux que ses camarades masculins, et surtout dépasse son frère Lucas.
Outre Eight que l'on apercevait en saison 2 mais dont on imagine qu'elle refera surface, ces nouveaux personnages sont tout à fait truculents et éclipsent presque les autres.
Et surtout ils éclipsent Lucas et Dustin, dont on aurait aimé voir les personnalités plus approfondies, et qui n'apparaissent pour le moment que comme faire valoir des autres.
Le moment "Never Ending Story" de Dustin, est à cette image, il n'apporte rien et au contraire décrédibilise le travail jusque là réalisé autour du personnage.
Révélations et crises sentimentales
Cette saison fait plus dans le sentimentalisme. On pousse un peu plus le curseur de l'émotion histoire de tirer quelques larmes.
On atteint le paroxysme à la toute fin avec la lettre de Hopper à sa fille. Sentimentalisme aussi avec la cruauté de l’adolescence. C’est l’âge ingrat et les gamins le vivent à plein. Les frictions entre Mike et Will, entre Mike et Elfe, sont à ce propos éloquentes.
Sauf que les atermoiement de Will, de plus en plus laissé pour compte face à la déflagration du groupe, ne semblent pas avoir beaucoup d'importance dans l'action, alors qu'ils pourraient justement déchainer et mettre davantage en péril le groupe.
Le personnage de Will ne semble désormais présent que pour servir de signal d'alarme à l'arrivée du monstre.
Winona Ryder, quant à elle, est toujours aussi agaçante dans son jeu de mère incontrôlable, qu'on pourrait croire junkie. Elle me rappelle l'énergie agaçante déployée par Johnny Deep pour incarner Jack Sparrow. C'est sympa 5 minutes mais sur 3 saisons, cela en devient immature, limite ridicule.
Elle en fait trop, comme tous les personnages d’ailleurs, les gamins en l'occurrence. Mais c’est ce qu’on leur demande. Il parait d'ailleurs que l'on était comme ça à l'adolescence. J'ai peine à le croire. Et pourtant...
Reste Hopper (David Harbour), sorte de bilboquet que l'on utilise à toutes les sauces pour justifier l'action. Là où en saison 1 et 2 il pouvait apparaître crédible, on lui a collé des caractérisations supplémentaires qui le rendent lui aussi agaçant. Notamment dans sa condition de père et sa relation avec la folle Joyce.
Le filon du flic désabusé est pressé à son maximum, comme celui du mauvais père, du non-dit du mec bourru amoureux, et du punching ball humain face aux russes.
Cette caractérisation limite gros sabot l'emmène naturellement à servir de faire-valoir sacrificiel dans la destruction de l'arme. Un peu too much je trouve.
Stranger Things ou le show à l'américaine
Cette saison 3 semble en apparence plus aboutie et travaillée, et elle accélère notamment le rythme.
Mais je trouve qu'elle se perd dans les travers habituels de l'entertainment à l'américaine.
Stranger Things 3 s’apparente alors à un divertissement qui perd en substance.
Elle donne l'impression de faire bouger les personnages comme des pantins au fil des éléments narratifs absurdes que l’on ajoute et qui ne sont que prétextes à clins d’oeil et hommages.
Références, quand tu nous tiens
Cette saison 3 grouille en effet de références non seulement aux films des années 80, mais à toute cette génération. Il faut dire que l'époque était foisonnante.
On ouvre avec le Mall, le shopping de l'ultra consommation. Les filles sont désormais des "Valley Girl" ultra lookées et font du shopping à la "Madonna" de "Desesperatly Seeking Susan".
On y retrouve une bande de "Goonies" poursuivie par un clone de "Terminator". Sans oublier les humains qui fondent à l’instar de "Street Trash". Le tout avec la désormais fameuse "The Thing" dans la veine de John Carpenter.
Mais c'est bien beau, on s'imagine parfois revivre ces années-là , comme être dans un film de John Hughes.
Au nom du Deus Ex Machina
Les frères Duffer ne font pas dans la finesse. Cela se voyait en S1 et surtout S2, mais là , c'est évident.
La narration est bien faite, certes, rien à redire là -dessus. Mais hélas, je trouve que les scénaristes utilisent beaucoup trop le Deus Ex Machina.
Evidemment cela sauve systématiquement la mise des personnages que l’on a pressé jusqu’à la moelle dans des situations de plus en plus rocambolesques.
L'exemple type du Deus Ex Machina se retrouve ainsi avec Billy (l'excellent Dacre Montgomery). Un personnage dont on ne découvre les failles que trop tard.
Grâce à Elfe, d'abord au cours d'une de ses traditionnelles visions. Puis, lorsque plus aucun espoir n'est possible, elle parvient à le ramener à ses souvenirs d'enfance traumatisants.
Revirement alors de situation. Le tout méchant devient tout gentil tout plein en tout peu de temps et rallie ceux qui sont sur le point de mourir pour les sauver en se sacrifiant.
C'est magnifique.
C'est le regret.
Billy, personnage charismatique et complexe, méritait nettement mieux. Mais il s'est transformé en Deus Ex Machina. Tant mieux pour le récit...
Tant pis pour ce personnage qui passe hélas à la trappe, et qui pour moi, avec Steve et Robin, reste au dessus du lot.
Tant pis pour ce personnage qui passe hélas à la trappe, et qui pour moi, avec Steve et Robin, reste au dessus du lot.
Stranger Things 3 donne le sentiment de tourner en rond
Avec cette saison 3, c'est aussi le sentiment d'arriver vite aux limites de l’exercice, comme si l'on tournait en rond.
Les chiens ont laissé la place à une sorte d'araignée monstrueuse qui pourrait tout exterminer mais qui n'en fait qu'à moitié. Qui ne cours pas mais marche à la vitesse d'un escargot.
Alors, histoire d’injecter quelques éléments supplémentaires, ont y rajoute la fameuse menace russe, capables, en quelques mois de construire un immense complexe souterrain digne de James Bond (ou d'Austin Powers ?) en plein coeur de l’Indiana.
LÃ , cela m’a perdu.
Si le revival des films sur la guerre froide peut se comprendre comme un référentiel des années 80 et du cinéma US en général, quel intérêt y a-t'il de le placer ici.
Cela a eu pour moi comme une tendance à décrédibiliser la série, au lieu d'ajouter un phénomène d'intrigue extraordinaire supplémentaire.
Toujours les même intrigues
Côté intrigues justement, on sent l'essoufflement. Les scènes de suspense quant à elles, sont revues et revues, comme construites toujours sur le même tempo de montée en puissance.
On s'enferme, on se calfeutre, on attend la bête, elle arrive, on se cache, elle nous voit pas, je fais tomber un truc par terre, badaboum, hop, la bête est pas sourde, hey oui, et bam elle se retourne (parce qu'elle allait partir un jour sans retour), elle braille un bon coup, puis elle attaque mais heureusement, j’ai, à ce moment-là , au choix :
- un pistolet,
- un feu d’artifice,
- un lance-pierre,
- une Elfe,
- un appel d’urgence,
- une hache,
- une diversion...
Bref, un truc qui soit lui donne sa raclée ou la fait s’enfuir. Malin le lynx ? C'est sympa une ou deux fois, mais quand c'est systématique...
Stranger Things 3 ne va pas assez loin
Pourtant les idées de base sont bonnes.
L’idée d’une armée de zombies phagocytés par la bête est excellente. Une sorte d'"Invasion des profanateurs de sépultures".
L’idée de les recruter grâce au couple Billy / Heather est excellente. Dommage cependant que Billy et Heather ne soient pas exploités à leur maximum.
Et puis tout tombe à l’eau, à l’instar des corps que la bête fait se désagréger et qui sont absorbés par cette araignée maléfique incapable d’éliminer 7 ados…
Le fameux "Mind Flayer", le flagelleur mental (mais j'aurais plutôt dit flagorneur mental), est bien évidemment derrière tout cela, depuis son monde parallèle.
C'est lui donc qui manipule une créature flasque, une sorte de chose (The Thing) avec des dents, sensée être terrifiante, mais pas très maligne.
Dommage que cela n’aille pas au bout du concept. J’aurai imaginé l’armée de zombies attaquer Hawkins.
Comme avec cette fête nationale qui ne sert qu’à faire étalage de nostalgie foraine.
Je pense vraiment qu'elle aurait méritée d’être attaquée par l’armée de zombies, venue pour s'emparer de la ville et de ses habitants, comme une base de départ de l'invasion.
Au lieu de cela, les zombies l’abandonnent à l’appel du Mind Flayer, pour mieux se faire bouffer par la bête.
Hey ? Normalement les zombies on les bouffe pas ? Ce sont eux les "bouffeurs"...
Quel bilan pour Stranger Things 3 ?
J'aurais tendance à avoir un bilan mitigé. Au cours de cette saison 3, je me suis pris à passer en avance rapide à de nombreux moments.
Là où cette saison 3 réussit, c'est lorsque l'on se prend à se demander ce qu'il s'est passé en saison 2, c'est dire si elle efface des tablettes la 2, sorte de saison de transition.
Le succès est le fruit de personnages un peu plus mûrs et d'hommages et clin d'yeux à peine cachés.
Mais là où cette saison 3 échoue, c'est dans le manque de matière et de profondeur, l'inexploitation de certains personnages et la direction prise par les scénaristes.
Quand on atteint les limites du genre on finit par tourner en rond. Alors qu'en creusant davantage on pourrait tendre vers une véritable série culte.
Et comme les frères Duffer ne sont pas avares en rebondissement improbables, on va nous redonner en saison 4 du Hopper ressuscité d’entre les morts, enlevé par les Russes au Kamchatka, et emprisonné on ne sait comment par les méchants Soviétiques qui ont décidé de prendre leur revanche après s’être miraculeusement volatilisés de leur base souterraine américaine.
Et l'on parle déjà de saison 5 ?
Au secours !
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