Eiffel branche la Stupor Machine
Le sixième album d'Eiffel, Stupor machine, porte en lui la force d'une certaine désillusion face au réel qui frappe l'humanité. C'est tranchant, ciselé et frappe les esprits.
Photo © Emmanuel Bacquet |
Stupor Machine ou la machine à effroi
Eh oui, l'intro est frappante, elle te prend et donne le ton de ce nouvel album stupéfiant, dirait-on.
"Big Data", pourrait me rappeler ces envolées rythmées et folles, dignes du glam rock des années 70, une sorte de Rocky Horror Picture Show post-moderne, avec cette petite pointe de piano en touche finale sous les murmures des zombies du "Big Data" partis à la recherche d'une Barbarella rebelle prénommée Malika.
C'est trop long cette phrase? Tant pis, relis-la et tu comprendra.
Dans "Big Data", c'est réellement le tempo de la batterie qui sonne, frappe et plante le décor. Celui d'une sombre dystopie qui s'installe et va nous envelopper tout au long de ce Stupor Machine.
J'apprécie donc.
Sans langue de bois
Tout au long de l'album, Eiffel met de côté la langue de bois, pour un champ lexical plus que brut. C'est droit au but justement et ça tonne. Comme en "Cascade" où la masse s'anesthésie dans une fade vie.
On comprend très vite qu'avec Eiffel cette fadeur va s'exprimer et se respirer en rythme.
Après l'envolée de "Big Data" et de "Cascade", c'est "Manchurian Candidate" qui porte le projet.
En digne rampe de lancement d'un V2, elle dégage avec elle cette noirceur sous-jacente que l'on retrouvait dans le style des films de John Frankenheimer et Terry Gillian.
"Manchurian Candidate" fait justement référence à une nouvelle de Richard Condom en 1959. "Un crime dans la tête" chez nous. Mais qu'a-t-on vraiment dans la tête ?
Autant dire que l'on navigue en plein thriller politique avec cette référence. Pas étonnant, lorsque la politique se mêle de toutes nos vies, s'immisce au plus profond de notre intimité pour régir nos destins à nos dépends.
Les thèmes, entre 1959 et 2019 n'ont pas changés, ils ont juste évolués et se sont enrichis de noirceur et de froideur technologique.
C'est toute cette froideur technologique et sociétale qui fait la force de cet album, le sixième d'Eiffel.
Photo © Emmanuel Bacquet |
Estelle Humeau, Romain Humeau, Nicolas Bonnière et Nicolas Courret se sont retrouvé pour jouer une carte ambitieuse, celle des lanceurs d'alerte dans un monde où l'on suffoque, où l'on dépérit, où l'on enterre nos sentiments.
Comment dire "Je t'aime" ?
Et d'ailleurs, comment dire je t'aime aujourd'hui, et surtout demain, dans une société aseptisée ou l'on ne vit que dans l'entre soi-même, où la norme nous impose la distance ? La réponse, Eiffel nous la délivre :
C'est "Chasse Spleen".
Ce je t'aime revient comme un hommage dans le titre que je trouve le plus touchant de l'album, "N'aie Rien À Craindre". Sorte de message personnel pour une étoile noire disparue.
Que ressentir de cette épopée musicale autant que poétique, sombre autant que dramatique ? De ce passage entre "Hotel Borgne" à "Oui", politique et revendicatif, et finalement ultra sociétal. Il y a du "J'accuse", à la fois jubilatoire et désespérant dans ce "Oui" qui résonne comme un NON. Pièce maîtresse.
On meure tous à la fin ?
On atterrit au "Terminus", non pas des prétentieux, mais des audacieux, histoire de clore le débat. Est-il vraiment clôt, tant l'album ouvre les portes de la réflexion.
Stupor Machine vous donnera le vertige, celui que l'on éprouve lorsque l'on se retrouve face au précipice et qu'il faut sauter, pour sauver sa peau et échapper à la tyrannie. Sauf que parfois, la tyrannie vient de nous. Alors comment nous échapper ?
Commençons par écouter, ré-écouter et ré-écouter les appels des lanceurs d'alertes de la Stupor Machine.
Eiffel
Nouvel album : Stupor Machine
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