Bob Crane pour briller en société
On retrouve au grenier un film sorti le 16 avril 2003, AUTOFOCUS. Il a peu fait parler de lui (51,000 $ de recettes en France)... Et pourtant, ce film serait presque un témoignage. C'est en effet la biographie d'une des stars oubliées d'Hollywood. Une star que le succès a mené à sa perte.
Une sortie dans l'indifférence
AUTOFOCUS ne restera pas dans l'empreinte du cinéma contemporain, autant le dire tout net. Ce n'est pas pour faire de la peine à son réalisateur, Paul Shrader, ni à ses deux interprètes principaux, Greg Kinnear et Willem Dafoe.
Mais disons qu'il n'a pas attiré les foules.
En même temps, quelle mouche a piqué les producteurs pour se lancer dans un tel projet ? C'était vu d'avance : taper Bob Crane dans un moteur de recherche et voir les tendances des requêtes Google... On comprend tout de suite.
Pourtant, consacrer un long métrage autour d'un comédien à succès des années 60 aurait put paraître comme une opportunité. D'habitude, cela fonctionne.
Et puis; s'agissant de Bob Crane, il y avait de quoi dire. Une vie folle, une folle ascension et une déchéance dramatique. Voilà les ingrédients qui d'habitude font le succès d'Hollywood.
Là, non. Rien de tout cela. Voilà qui a finalisé de faire tomber encore davantage cette histoire dans l'oubli. Et dans notre grenier.
Une vie à l'écran
AUTOFOCUS est tiré d’un roman biographique de Robert Graysmith et n’est rien d’autre que l’adaptation à l’écran de la vie de Bob Crane.
Ce film raconte sa lente descente aux enfers, depuis la gloire jusqu’au bannissement dans l’Amérique de la fin des années 60 et du milieu des années 70.
La déchéance est en effet l'une des caractéristiques de sa vie. Jusqu'au drame.
Sa déchéance, Crane l'enclenche avec les premières sirènes de la gloire. Elles vont déclencher en lui une quête effrénée de plaisirs, de sexe, de mauvaises rencontres, dans laquelle il va perdre sa famille et ses amis, sa carrière et se perdre lui même.
Réhabilitation impossible
À sa sortie, ce film avait pour vocation de participer à une opération de réhabilitation de cet acteur, car à la base s’en est un, et plutôt de bon niveau.
Pour relever ce challenge, on retrouve dans le rôle de Bob Crane l'excellent Greg Kinnear alors que Willem Dafoe campe son acolyte John Carpenter, le responsable de sa descente aux enfers.
Pour beaucoup, le nom de Bob Crane n'évoque rien.
Et pourtant, il doit sa renommée dans le monde à une série TV de la fin des années soixante diffusée sur CBS et qui met en scène un camp de prisonniers de guerre durant la seconde guerre mondiale.
Un nom emblématique d'une série TV
La série s’intitule "Hogan’s Heroes". Elle est connue en France d’abord sous le titre "Stalag 13" puis plus récemment "Papa Shultz".
"Hogan's Heroes", à peine créée, défraye déjà la chronique.
Sa création en 1965 fait l’effet d’une bombe et soulève un tollé général.
Le projet est en effet ambitieux car jusque là aucun network n’avait osé faire une parodie de film de guerre se déroulant dans un camp de prisonnier.
Et pourtant le succès est au rendez-vous puisque la série durera jusqu’en 1971.
Au programme de ces 26 minutes, Bob crane joue le rôle du Colonel Hogan, officier américain roublard et très porté sur les femmes, à la tête d’un groupe de prisonniers alliés confronté à des geôliers particulièrement stupides, notamment Le Colonel Klink (interprété par l’immense Werner Klemperer qui fera l’objet d’un prochain grenier tellement il est énorme).
Pour Bob Crane, ce rôle va être le déclencheur d’une ascension fulgurante, mais aussi le point de départ de sa perte.
Flashback sur Robert Crane
Mais revenons en arrière. Le petit Robert Edward Crane (c’est son nom) naît le 13 juillet 1928, dans la paisible ville de Waterbury dans le Connecticut.
C’est le cadet d’une famille de deux enfants. À l'instar des autres jeunes garçons de son âge, il ne poursuit pas bien longtemps ses études. L’école n’est pas son fort et il préfère de loin la musique et notamment le jazz plutôt que le doux chant des craies sur les tableaux.
Du coup il se fait essentiellement remarquer pour ses pitreries en classe. Il obtient rapidement une forte renommée dans les cours de récréation, sa spécialité étant notamment de pincer les fesses des filles. Sa voix est donc toute tracée ; il travaillera dans le chaud business…
Mais lorsqu’on veut travailler dans le showbiz à Waterbury on atteint vite ses limites.
Et puis il faut bien vivre. Du coup en 1949 Robert Edward se fait embaucher dans l’orchestre symphonique du Connecticut en tant que batteur, l'une de ses passions avec le Jazz et les filles.
La même année, il se marie avec Ann Terzian, sa petite amie du collège, son premier flirt et son premier grand amour.
Dans la foulée (si l’on peut appeler ça ainsi…) ils vont avoir trois enfants, Bob Jr, Debbie et Karen.
Bref, c’est le grand bonheur provincial et l’image traditionnelle de la famille américaine épanouie et catholique est bel et bien respectée. Il ne manque plus qu’un chien et un mobile home à ce tableau pour suivre les courses de Nascar.
Hélas, la vie bien rangée de Bob Crane dans l’orchestre du Connecticut va faire long feu.
Il se fait virer en effet peu après parce qu’il manque de sérieux. Ici aussi ses démons le rattrapent et il continue à pincer les fesses des filles, notamment pendant les concerts.
Il lui faut bien alors trouver un boulot pour vivre et ne pas laisser mourir sa famille. À défaut de travailler honnêtement, le voilà obligé de faire de la radio.
Un changement radical
Robert Edward se donne alors le diminutif de Bob et va animer la station de radio locale WKYCH 99, mais uniquement pendant les soirées du mercredi et du jeudi, les soirées spécial Jazz, ou sous le nom de DJ Bob, son sens du rythme va exceller pendant une saison.
Evidemment il se fait à nouveau remarquer et les trompettes de la renommée ont un son jazzy.
Mais c'est surtout son potentiel de trublion qui tape cette fois non plus sur les nerfs, mais dans l’œil d’une radio californienne qui le recrute en 1956 pour travailler en tant qu’animateur.
Il quitte donc l’est pour rejoindre la côte ouest et travailler chez KNX radio à Los Angeles.
Rapidement sa notoriété explose et il est vite baptisé Bob ‘’le roi des micros et des ondes’’ (à l'époque il n’y avait pas encore les micro-ondes).
Son programme devient très vite culte et lui permet de recevoir le tout Hollywood au micro, de Frank Sinatra à Marylin Monroe.
Le début de l'ascension... et de la fin
Du coup, petit à petit la télé va lui faire les yeux doux. Ses apparitions à l’écran se font de plus en plus nombreuses.
Il commence par "The Dick Van Dyke Show" puis "The Twilight Zone".
C’est alors au tour du cinéma de l’employer dans de tout petits rôles. On le voit ainsi apparaître en 1961 dans "Return to Peyton Place" (les lauriers sont coupés) et dans "Man-Trap", puis en 1963 dans le "Donna Reed Show" où il joue le rôle du Dr Dave Kelsey.
Sa renommée explose alors.
Cette expérience va durer pendant deux années au bout desquelles CBS lui propose le rôle du colonel Hogan dans la série Hogan’s Heroes. Commence alors une nouvelle phase de sa vie.
Un tournant dans la vie
"Hogan's Heroes" lui offre en effet l’opportunité d’accéder à la gloire. La série atteint le top 10 à la fin de la saison 1965-1966 et permet à Bob Crane d’être nominé à deux reprises aux Emmy Award en 1966 et 1967.
Son rôle lui tient de plus en plus à cœur et les heures de travail s’enchaînent au détriment de sa vie de famille.
Une vie de famille bien rangée depuis 20 ans qui contraste nettement avec les after qu’il fait dans les bars comme batteur et dans lesquels il amuse la galerie.
Au delà de cela, la série lui permet de faire la rencontre de la pulpeuse Hilda, la secrétaire du colonel Klink jouée par Sigrid Valdis.
C’est le coup de foudre et le moment est finalement bien choisi pour se séparer de sa femme. Leur divorce est inéluctable et Bob se remarie en 1970 avec Sigrid, la cérémonie ayant même lieu sur le plateau. Ils auront un enfant ensemble (mais cette fois pas sur le plateau…).
Une rencontre capitale
La série lui permet également de faire la rencontre de John Carpenter, un technicien qui va l’initier aux multiples possibilités de la vidéo et lui installer un équipement vidéo de la taille d’un super ordinateur des années 50.
Un point que l’on ne retrouve pas dans la biographie officielle de l’acteur…Il s’agit en effet de la face cachée de la vie de Bob Crane. Chassez le naturel et il revient au galop.
Le pinceur de fesses est également un fan de photo et vidéo de charme. Les deux fidèles acolytes vont faire ainsi les 400 coups ensemble pendant de longues années, et même longtemps après la fin de la série ‘’Hogan’s Heroes’’.
Les dirigeants de la chaîne CBS décident en effet de mettre un terme à la série en 1971 après 6 ans à l’antenne et en plein succès.
Bob est donc contraint de trouver une autre orientation et de courir les cachets en plus de courir les filles. On le retrouve notamment dans deux productions Disney ; ‘’Superdad’’ en 1974 et ‘’Gus’’ en 1976, ou il est sensé incarner le père de famille idéal... Ce qu'il n'est absolument plus dans la réalité.
Bob est ensuite contacté en 1975 pour rejoindre NBC en prime time et animer ‘’The Bob Crane Show’’. L’aventure dure quelques mois et au bout de 13 épisodes la chaîne met un terme à l’émission.
Bob remonte alors sur scène, d’abord dans des café théâtre, puis en jouant dans une pièce intitulée ‘’The beginner’s luck’’, dont il a acquis les droits en 1973 et dans laquelle il tient le rôle principal.
Il va alors parcourir le pays pendant plusieurs années en jouant sur scène jusqu’en 1978. Elle lui permet de multiplier les "rencontres", toujours en compagnie de son acolyte John Carpenter.
Une fin tragique
Sa tournée des salles de spectacles, mais surtout des bars et des cloaques, prend fin dans la nuit du 29 juin 1978 dans la chambre d’un hôtel de Scottsdale en Arizona, où on le retrouvera mystérieusement assassiné, battu à mort et étranglé par le cordon électrique de l’abat jour (qui porte bien son nom).
Pour la petite histoire, le meurtre n’est à ce jour toujours pas résolu. Les interrogatoires de proches n'ayant rien donnés et les soupçons pesant sur John Carpenter ayant été balayés.
Bob était en pleine procédure de divorce avec sa seconde femme et était sur le point de signer dans une série TV pour ABC, intitulée ‘’Crash’’.
Mais le crash eut lieu avant l'heure et son souvenir sombra alors peu à peu dans l'oubli, sauf sur M6 où, à l'instar de "La petite maison dans la prairie", on continuera de diffuser "Papa Schultz" des siècles et des siècles.
Et en 2003, tel un feu de paille, la sortie d'AUTOFOCUS n'aura pas permis de réhabiliter un comédien tombé dans le pécher de la fornication à qui mieux-mieux.
Voilà, vous savez presque tout sur le héros de ‘’Hogan’s Heroes’’.
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